J’accompagne une équipe d’enseignantes et d’enseignants dans l’expérimentation d’un projet spécial directement lié avec l’implantation de la Réforme. Cette semaine, nous avons eu une rencontre de suivi de façon à réfléchir sur les situations vécues, les pratiques à mettre en place et la planification de nouvelles situations. Après cette rencontre, moi qui suis toujours confiant, je fus envahi d’un grand doute sur la capacité des enseignantes et enseignants à implanter la Réforme au secondaire.
J’ai été témoin de très belles réalisations de la part de gens ayant une grande maîtrise de l’art d’enseigner (j’entends ici faire apprendre) et très engagé dans un processus de formation et de préparation au PFEQ.
Cependant, j’ai aussi vu des enseignants n’ayant aucun sens de la planification, ne maîtrisant pas certains principes de base de la gestion de classe, n’ayant aucun regard réflexif sur leur pratique et n’étant aucunement engager dans un processus de préparation et de formation au PFEQ.
La Réforme demande une zone de confort pédagogique assez grande et une bonne confiance en soi pour pouvoir remettre l’acte d’apprendre entre les mains de l’élève. Cette zone de confort pédagogique ne peut se créer que par une bonne capacité à planifier (l’enseignement est une improvisation planifiée) et la confiance en soi ne passe que par de bonnes stratégies de gestion de classe (pas maintenir les élèves en rangées d’oignons et garder le silence, mais plutôt créer un climat propice à l’apprentissage).
Ces deux conditions me semblent être le minimum du minimum nécessaire. On ne peut pas faire apprendre si on est incapable de dégager les intentions dans d’une action pédagogique, incapable imaginer une planification et si on est démuni face aux élèves. C’est déjà pas facile dans un enseignement traditionnel. Comment ça va se passer dans un contexte de Réforme? … J’ai bien peur qu’il n’y est pas de changement.
La situation décrite plus haute est extrême. Cependant, certains enseignants s’en approchent à différents niveaux. Comment s’en sortir ?
Les 4 jours de formation par année seront-ils suffisants ?
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Ouais… been there, done that comme on dit en anglais.
Mais il ne faut pas douter… je pense qu’il faut plutôt miser sur l’émulation que peuvent créer des situations d’apprentissage « réforme » sur la collaboration et la « remise en apprentissage » des enseignants eux-même.
Et cette semaine, tu doutes encore? 😉
Heureusement, je suis allé me ressourcer au près d’enseignantes et d’enseignants bien engagés dans l’appropriation de la réforme. Et, finalement, il se fait beaucoup d’innovations et de beaux progrès.
Ça aide à voir plus loin. J’ai aussi suivi une journée de formation avec Nicole Tardif. La formation portait sur la différenciation, mais du point de vue de l’accompagnement et de la gestion de personnel. Ça aide à comprendre…
Bonjour,
En tant qu’accompagnateur d’une équipe école du secondaire, je suis sensible à vos propos. Je suis d’avis qu’il faut trouver une vision de l’accompagnement qui nous permette de faire preuve de patience, de compréhension et d’ouverture face à nos collègues. Le rythme auquel les changements se font n’est pas nécessairement celui que nous voudrions donner à ce processus.
J’essaye quant à moi, d’adopter une attitude de soutien dans la transformation de leurs pratiques plutôt que d’imposition de nouvelles façons de faire qui ne leur appartiennent pas. De les encourager pour chaque petit pas réalisé et de valoriser aussi ce qu’ils font bien actuellement (on ne changera pas tout!) en les amenant vers d’autres pistes.
La réforme s’implantera à notre école à partir de 2005 mais je crois que c’est réaliste d’affirmer, comme on l’entend ces temps-ci, que cette implantation prendra de 5 à 10 ans pour l’ensemble du secondaire.
Personnellement, ce qui m’agace le plus, c’est le traitement que font les médias de la réforme. C’est presque toujours négatif et ça sème le doute dans la plupart des esprits. Ils focalisent toujours sur ce qui ne fonctionne pas. Ils faudrait qu’ils parlent plus souvent d’expériences positives. On sait qu’il y en a.
Selon moi, une des clés d’une implantation réussie, consistera à trouver des moyens d’évaluer qui seront réalisables sans lourdeur pour les enseignants, et suffisamment explicites pour les parents. Est-ce possible?
François L’Abbé
Je suis aussi tout à fait d’accord avec les concepts de patience et de confiance qui doivent s’associer à ce profond changement. Il peut être long à développer la « masse critique » qui assurera qu’on ne retournera pas en arrière. Il me semble qu’il ne faut pas oublier certaines réalités : il ne s’agit pas de réforme de contenus, mais bien de réforme d’attitudes et de façon implicite, de valeurs… Et ça, c’est long! Ça demande des précurseurs, des passionnés, des gens qui y croient avec force et vigueur, des gens qui en témoignent quotidiennement par leur action pédagogique et par leur prise de parole… Et ça, il y en a de plus en plus… On n’a plus rien à perdre, il faut redécouvrir le plaisir de « faire apprendre », de voir le pétillement dans les yeux des élèves qui viennent de découvrir… Ça viendra! Ça viendra, pourvu qu’on projette les expériences positives sur la place publique, et qu’on fasse preuve d’imagination pour développer des processus d’accompagnement… Imaginaire et créativité doivent être au rendez-vous…
Et au niveau du secondaire, de nouveaux actants arrivent : les élèves du primaire! N’auront-ils pas de nouvelles exigences devant ceux qui les accompagneront au secondaire?
Michel Clément
J’aime beaucoup « la tournure » que prend cette conversation; en particulier le dernier commentaire de M. Clément qui apporte un élément crucial :
« Et au niveau du secondaire, de nouveaux actants arrivent : les élèves du primaire! N’auront-ils pas de nouvelles exigences devant ceux qui les accompagneront au secondaire ? »
De la position que j’occupe, je constate que les parents deviennent également « demandeurs ». Évidemment, cela se passe quand on ne brusque pas les enseignants dans leurs expérimentations. Un enseignant qui « essaye » parce qu’il en est forcé risque de faire porter à la foutue réforme l’odieux de ses non-réussites et par conséquence, engendrera des parents (et des éléves) non-demandeurs. Dans le cas inverse (des enseignants qui s’essaient à partir de décisions prises de façon libre et responsable), on récolte des enseignants fiers qui offrent de meilleurs services et qui donnent « le goût de la réforme ». Je crois que de nombreuses écoles primaires ont réussi par ce chemin, à rendre la réforme non seulement désirable, mais incontournable !
Salut Étienne, merci de me faire découvrir cette perle qu’est ce site! Tes propos sont fort pertinents. Ils me font penser à l’importance de travailler en concertation avec d’autres professionnels. Il faut partager ces préoccupations aussi avec les psychologues qui travaillent souvent à former et à accompagner des enseignants en gestion de classe. Ainsi, mieux conscients de l’impact de cette compétence sur l’application de la réforme, ils sauront peut-être un peu vous épauler!
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